MILIEU, MÉDIUM, MATIÈRE
Adriana Menghi
“The written record signed, sealed, and swiftly transmitted was essential to military power and the extension of government. Small communities were written into large states and states were consolidated into empire.”
Harold Innis, Empire and Communication, 1950
Le papier est un support (médium) de l'espace, capable d'être rapidement transporté sur de longues distances, il a été l'un des principaux outils d'expansion de l'Empire britannique. Cette expansion médiatique et l’exploitation de sa matière première, le bois, ont laissé leur trace – en déforestation et en pollution – sur le territoire québécois, notamment dans les régions appelées « régions ressources ». Le papier journal québécois, qui a longtemps dominé le marché de la communication mondiale, est maintenant en crise à cause des médias numériques. À l’échelle moléculaire cependant, il y a un nouvel intérêt dans la matière première de la pâte à papier : la (nano)cellulose. Avec toute une infrastructure déjà en place pour l’extraction de ce matériau, les régions ressources peuvent donc se transformer en avant-garde de la nanotechnologie. Or, pour faire face aux changements climatiques et au dépeuplement des villes industrielles, nous ne devons pas continuer une économie simplement extractive : nous devons nous occuper de notre milieu et diversifier les emplois et activités offertes par celui-ci. En analysant la cellulose à toutes ses échelles et tout le long de son cycle de vie émerge la possibilité de construire un écosystème qui appartiendrait à la fois à l’écologie de la ville, du parc industriel et de la forêt. Celui-ci peut devenir un médium entre ces trois écologies, un « troisième espace » dans les villes industrielles qui souvent n’en ont pas. Le milieu (ré)médiateur de ces sites pollués se transforme alors en laboratoire d’apprentissage, de recherche, un lieu de loisirs et de découvertes partagé, générateur de savoir.